Le Silène insensé constitue l'un des seuls titres de gloire d'Hélie Coignée de Bourron : après la parution de ce court roman en 1613, cet auteur poitevin assez obscur ne se signale plus que par une pastorale dramatique (Iris, 1620), promise elle aussi à un rapide oubli. En pareil contexte, il semblerait bien illusoire de prétendre « réhabiliter » le Silène : l'œuvre recèle trop d’imperfections manifestes pour accéder au statut de chef-d’œuvre véritable. Néanmoins, elle n’est pas sans intérêt et brille par une étrangeté assez paradoxale : le texte illustre parfaitement certaines tendances de la prose narrative contemporaine (le choix de la veine pastorale, les nombreux poèmes insérés, la complexité de l’intrigue, un certain maniérisme de style…) mais semble dans le même temps absolument irréductible à un quelconque modèle : les fées s’y évaporent à l’approche des satyres ou tiennent congrès en Islande pour débattre des mérites comparés du Narcisse et de la Marguerite ; les bergères les