La biographie de Manet paraît de prime abord trop simple: le scandale du Déjeuner sur l'herbe en 1863 n'est-il pas retenu comme acte de naissance de la peinture moderne? Or, sitôt que nous voulons nous rapproher, l'homme nous échappe. Nous ne nous sentons jamais à la bonne distance: ses tableaux semblent peints de la veille, gardent le charme le plus actuel, le plus surprenant, mais sa vie intime victorienne se situe à des années-lumière de notre fin du XXe siècle.
Manet semble au surplus n'avoir aucune conscience de changer la peinture, seulement de se mettre en face des choses et de les peindre comme il les voit. Mais personne ne s'était encore mis en face de ces choses-là, ne les avait ainsi vues, et nul ne les avait ainsi peintes. Alors, il va user sa vie à se faire reconnaître par un Salon qui le hait, tandis qu'un siècle après sa mort, il reste au coeur même de la crise de la peinture.
Tenter de faire parler ce peintre, c'est bien se plonger dans u