Aujourd?hui chacun s?arroge le droit de se prononcer pour ou contre
Senghor. J?ai moi-même pris, pendant quelque temps, l?habit du censeur
et du critique irréductible. Je me suis cru, dans mes jeunes années, autorisé
à porter mon regard sur un homme, qui symbolisait à mes yeux
l?Afrique contemporaine, et à juger ses hésitations, ses manquements, ses
approximations, ses complexes, comme la cause essentielle du bourbier
dans lequel se débat l?Afrique aujourd?hui. Senghor avait été président de
la République d?un de ces Etats africains nouvellement créés, dans les
années 60. Il avait participé, avec les Houphouët-Boigny, Modibo Keita
et Nkwame N?krumah, au rêve d?un autre monde, et s?était heurté au mur
implacable de la réalité. Mais au fond, que savais-je de Senghor hormis
ces données factuelles, dont tout le monde pouvait disposer : la
Négritude, les indépendances, l?Académie.
Il est temps de se débarrasser des flatteries tardives, des reproches injustifiés
et de s?intéresser,